Les plans cadastraux que l'on trouve au service du cadastre donnent des précisions sur les limites d'un terrain, mais ils n'ont pas de valeur juridique et ne sont qu'une définition graphique et fiscale du bien foncier. Le bornage d'un terrain est à envisager lorsqu'un propriétaire ne sait pas ou ne sait plus où sont les limites de son terrain, et lorsque des séparations apparentes telles que clôtures, haies et murs ont disparu.
Dans la mesure où, en France, la très grande majorité des terrains n'est pas bornée, aucune garantie n'existe quant à leur limite et leur superficie. Le recours au bornage devient ainsi souvent indispensable.
Borner un terrain consiste à faire reconnaître les limites physiques de terrains contigus grâce à des marques apparentes, appelées bornes. Celles-ci fixent la matérialisation du terrain : il peut s'agir de plantations, d'arbres, de traces d'entailles, de piquets en métal ou en ciment.
Voici comment faire borner un terrain.
Zoom sur le bornage
Le bornage n'est pas obligatoire mais peut se révéler indispensable dans certains cas.
Pourquoi faire borner son terrain ?
C'est lorsque les limites d'un terrain sont douteuses ou non précisément établies et qu'un propriétaire souhaite entreprendre des constructions ou des plantations que le bornage s'avère indispensable. Il va être un des éléments garantissant la faisabilité du projet. Le titre de propriété atteste en effet du transfert d'un bien d'un propriétaire à un autre, mais il n'apporte pas de certitude sur la superficie et les limites du terrain.
Bon à savoir : depuis la loi SRU du 13 décembre 2000, tout avant-contrat et contrat de vente pour l'achat d'un terrain destiné à la construction d'un bien doit préciser si le descriptif du terrain résulte ou non d'un bornage. Si le terrain est situé dans un lotissement, s'il est issu d'une division à l'intérieur d'une zone d'aménagement concerté ou d'un remembrement, le bornage est obligatoire.
Le bornage est nécessaire lorsque :
- un propriétaire veut édifier une construction, réaliser des aménagements, faire des plantations sur son terrain et qu'il ne veut pas empiéter sur le terrain voisin. Il y a des règles à respecter qui impliquent une délimitation parfaite du terrain pour éviter tout litige, par exemple :
- Les plantations d'arbres, à défaut de règlement et d'usages en vigueur dans la commune, ne sont permises qu'à la distance de 2 mètres de la ligne séparative des deux terrains si la hauteur des plantations dépassent 2 mètres, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations (article 671 du Code civil).
- Une piscine ne peut être construite qu'en limite séparative ou à 3 mètres de distance de cette ligne séparative.
- un propriétaire se sent victime de l'empiétement de son terrain par le voisin et veut faire rectifier les limites.
Bon à savoir : l'Ordre des géomètres-experts a mis en place un fichier national baptisé AURIGE, dans lequel sont inscrits tous les travaux de délimitation et de bornage dès leur réalisation par un géomètre-expert. Ce fichier n'est consultable que par les géomètres-experts et permet de retrouver rapidement les opérations de bornage déjà effectuées. Le site Internet www.geofoncier.fr, mis en place par l'Ordre des géomètres-experts, vous permet de savoir si votre terrain a fait l'objet d'un bornage par un géomètre. Quand ce n'est pas le cas, c'est le service de publicité foncière qui pourra vous renseigner pour savoir si un bornage amiable a été effectué (anciennement conservation des hypothèques, ces dernières ayant été supprimées à compter du 1er janvier 2013 par l’ordonnance n° 2010-638 du 10 juin 2010).
Conséquences juridiques du bornage
- Dans le cadre amiable, l'acte de bornage établi sous seing privé et signé par les parties constitue selon l'article 2052 du Code civil une transaction et autorité de la chose jugée.
- De plus, selon l'article 1372 du Code civil, l'acte sous seing privé reconnu par celui auquel on l'oppose reste un acte qui a même foi que l'acte authentique et notamment entre les héritiers ou ayants cause.
- Par l'acte de bornage, les surfaces des propriétés établies par acte sous seing privé ou par jugement ont été officiellement et définitivement déterminées : cela vaut titre définitif.
- Une fois publié au service de publicité foncière compétent, le bornage s'imposera à tout le monde et notamment à de futurs acquéreurs.
- Si un bornage avait été établi antérieurement, le nouveau bornage se substitue aux titres antérieurs et rectifie à l'occasion les erreurs ou les mentions inexactes.
Important : le bornage n'est pas un titre translatif de propriété. Ce n'est pas lui qui attestera de la propriété d'un bien à tel ou tel propriétaire. L'établissement d'un procès-verbal de bornage ne peut pas faire obstacle à la possibilité pour un propriétaire d'engager une action en revendication de propriété. L'action en bornage ne peut également pas avoir pour effet d'imposer un échange de terrain ou de fixer une servitude au profit d'un fonds, mais seulement de fixer la limite de terrains contigus.
Conditions nécessaires pour entamer une action en bornage
- Le bornage doit concerner des terrains privés, bâtis ou non, appartenant à des propriétaires distincts :
- Seuls peuvent être bornés des terrains qui se touchent ou qui sont séparés par un sentier, un chemin privé ou un ruisseau qui ne constitue pas une frontière naturelle.
- En revanche, l'action en bornage n'est pas possible lorsqu'il s'agit de bâtiments qui se touchent.
- L'action en bornage, qui suppose des propriétés distinctes, ne peut être exercée dans une copropriété entre différents lots ou terrains.
- Le bornage entre deux terrains privés peut être partiel et ne concerner qu'un seul ou plusieurs côtés d'un terrain, sans que tous les côtés du terrain soient parfaitement déterminés.
Bon à savoir : lorsque la limite à établir concerne un terrain privé et le domaine public, une voie publique ou départementale, un cours d'eau navigable ou une ligne de chemin de fer, il s'agit d'une procédure d'alignement et non de bornage. La demande doit être adressée au maire de la commune. Un chemin rural fait quant à lui partie du domaine privé de la commune. Par conséquent, la fixation des limites entre un terrain et ce chemin se fera dans le cadre d'un bornage.
À noter : l'action en bornage est impossible dès lors que les deux parcelles sont séparées par une falaise dessinant une limite non seulement naturelle, mais aussi infranchissable. Ainsi, l'action en bornage ne peut être exercée lorsque des fonds sont séparés par une limite naturelle.
- Seul le propriétaire du terrain peut entamer une action en bornage :
- En cas d'indivision, il faut l'accord d'au moins 2/3 des droits indivis (Cass. 3e civ., 12 avril 2018, n° 16-24.556), sauf si l'indivision a donné un mandat officiel à un gérant.
- En cas de démembrement, le nu-propriétaire et l'usufruitier peuvent chacun demander le bornage sans l'accord de l'autre. Cependant, le bornage demandé par l'usufruitier seul ne s'imposera pas au nu-propriétaire, contrairement à celui demandé par le nu-propriétaire qui sera opposable à l'usufruitier. Le propriétaire voisin a donc intérêt à demander l'accord des deux.
- Les locataires ou occupants sans droit ni titre ne peuvent pas faire borner le terrain qu'ils louent.
Bon à savoir : les détenteurs d'un compromis de vente peuvent utiliser cette action en bornage (qui sera souvent judiciaire) notamment pour préciser avant la signature de l'acte authentique les véritables limites du terrain dont ils vont devenir acquéreurs.
Une fois toutes ces conditions réunies, l'action en bornage peut être entreprise à l'amiable ou, à défaut, par voie judiciaire.
Article
1. Bornez un terrain à l'amiable vous-même
Lorsque les propriétaires sont d'accord pour délimiter leur terrain, ils peuvent effectuer eux-mêmes le bornage.
Requérez l'accord amiable du voisin
C'est le propriétaire qui a un intérêt à vouloir borner son terrain qui prend l'initiative du bornage. La première chose à faire est donc de rencontrer le voisin et toute personne concernée et de leur indiquer votre intention de borner votre terrain. Indiquer la raison de votre démarche facilitera leur approbation.
Aucune forme précise et légale n'est requise pour établir ce bornage, qui résultera d'une convention effectuée entre les intéressés.
Réunissez les éléments d'appréciation pour délimiter le terrain
Les éléments et documents qui peuvent vous aider sont les suivants : plans cadastraux, acte authentique de propriété, témoignages, repères anciens ou restes d'anciennes bornes, haie, talus, fossés, etc.
Remarque : les informations obtenues en consultant le cadastre permettent d'apporter des éléments de preuve, mais ne prouvent en rien le droit de propriété.
Signez un procès-verbal de bornage appelé procès-verbal d'abornement
- Les intéressés vont établir eux-mêmes les limites séparatives de leurs propriétés après discussion et synthèse des documents et éléments qu'ils ont en leur possession.
- Leur accord est matérialisé dans un document informel signé par les deux parties, avec en annexe les plans détaillés des lieux. Il n'est pas obligatoire de faire établir cet acte par un notaire. Néanmoins, cela lui conférera le caractère d'authenticité d'un acte de l'autorité publique : on parle d'un acte authentique. Celui-ci peut servir d'instrument de preuve incontestable devant les tribunaux.
Matérialisez le bornage sur le terrain
Une fois le procès-verbal établi, les intéressés pourront poser eux-mêmes des bornes aux angles respectifs de leur terrain : ce peut être des piquets, des bornes de ciment, des plantations… La pose de bornes est indispensable, puisque le but du bornage est de matérialiser par des limites séparatives un terrain. Par exemple, un simple croquis ne peut s'analyser en procès-verbal de bornage si l'expert n'a pas arpenté les terrains, mentionné les surfaces et fait poser de bornes.
Payez les frais de bornage
Selon l'article 646 du Code civil, le bornage se fait à frais communs.
- Si les parties ne prennent aucun professionnel pour les aider, il y a très peu de frais : collecte des documents, achat et pose des bornes.
- En revanche, les frais s'élèvent dès que l'on fait appel un géomètre-expert (voir plus loin) et à un notaire pour authentifier l'acte et établir la publicité de l'acte au service de publicité foncière (anciennement conservation des hypothèques).
Publiez le procès-verbal
Pour rendre l'acte de bornage opposable aux acquéreurs successifs, il est indispensable de publier le procès-verbal au service de publicité foncière compétent afin que les tiers en aient connaissance. Si ce n'est pas fait, le procès-verbal n'aura de valeur qu'entre les signataires.
2. Faites réaliser un bornage amiable par un géomètre-expert
Le géomètre-expert est le professionnel indispensable lorsque l'on veut faire borner un terrain. Bien qu'il ne soit pas obligatoire d'y avoir recours, cela permet bien souvent d'éviter d'éventuels litiges et, finalement, une action en bornage judiciaire.
Chaque partie peut prendre son géomètre, mais il est possible d'en choisir un seul pour limiter les frais. Il est fortement conseillé aux parties de désigner un géomètre-expert d'un commun accord puisqu'il s'agit d'une relation amiable.
Bon à savoir : le géomètre-expert n'a pas de compétence territoriale, contrairement à un huissier, donc il peut intervenir n'importe où en France.
Rôle du géomètre-expert dans un bornage amiable
- Le géomètre devra convoquer toutes les parties concernées par le bornage et écouter leurs explications.
- Ensuite, il analysera tous les éléments lui permettant de définir les limites en question : nature des lieux, marques susceptibles d'indiquer la possession, titres de propriétés et plans cadastraux. Les témoignages seront également pris en compte ainsi que les us et coutumes locales.
- Il établira un plan détaillé, en décrivant les lieux, avec le tracé des lignes séparatives, la situation des terrains et la position des bornes.
- Il matérialisera les limites du terrain en posant des bornes ou tout autre repère dont la tête doit rester apparente au niveau du sol.
- Le géomètre-expert rédigera ensuite le procès-verbal de bornage amiable qui relatera le déroulement des opérations. Ce rapport est daté et surtout constate l'accord des parties. Le géomètre remettra un exemplaire du procès-verbal de bornage à chacune des parties, à charge pour elles de faire ensuite publier le document au service de publicité foncière compétent par le notaire ou le géomètre-expert.
Bon à savoir : le déplacement ou l'enlèvement des bornes sont pénalement sanctionnés avec une peine pouvant aller jusqu'à 2 ans de prison et 30 000 € d'amende.
Frais de bornage
- Les frais de bornage sont fixés librement par le géomètre-expert en fonction du temps passé à délimiter le terrain, du nombre de bornes à poser et de la difficulté du travail : superficie du terrain, difficulté d'accès, consultation de pièces, etc. Ils varient entre 500 et 1 500 €.
- La répartition des frais se fait à l'amiable entre les propriétaires intéressés, à parts égales ou selon d'autres répartitions (au prorata de la surface respective des terrains par exemple).
3. Recourez au bornage judiciaire
Selon l'article 646 du Code civil, « tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës ». Il n'est pas obligatoire de procéder à une demande de bornage à l'amiable avant d'exercer une action en bornage judiciaire, mais cela est vivement conseillé, notamment pour montrer votre bonne volonté au départ.
Dans quels cas avoir recours au bornage judiciaire ?
- lorsqu'un propriétaire s'oppose à toute demande de bornage amiable de la part de son voisin ;
- lorsque les parties, après avoir accepté un bornage à l'amiable, ne se mettent pas d'accord pour signer le procès-verbal de bornage : désaccord sur les limites fixées, sur le plan du géomètre-expert… ;
- à n'importe quelle étape de la procédure de bornage amiable, lorsque l'une des parties n'est plus d'accord.
Remarque : la procédure ne doit concerner que les seules limites du terrain. En effet, si à cette occasion il y a une contestation sur un titre de propriété, le juge ne sera pas compétent pour statuer et il faudra saisir le tribunal judiciaire avec présence d'un avocat obligatoire.
Saisissez le juge d'une action en bornage
C'est le tribunal judiciaire (ou le cas échéant sa chambre de proximité) du lieu où se situe le terrain qui est compétent en la matière. La présence d'un avocat n'est pas obligatoire.
La saisine du tribunal se fait par voie d'assignation, le recours à un huissier est obligatoire :
- L'assignation est un courrier formalisant votre demande auprès du tribunal, elle peut être accompagnée de tous documents nécessaires à la compréhension de votre demande. Elle est transmise par l'huissier au tribunal. L'huissier aura également pour mission de faire prendre connaissance à la partie adverse (votre voisin) votre volonté de procéder à un bornage.
- Le juge désigne le plus souvent un expert-géomètre afin d'éclairer son opinion et d'établir un rapport. Comme pour le bornage amiable, le géomètre convoquera les parties, les entendra, recueillera tous les documents utiles à ces travaux et rédigera un procès-verbal.
- Le géomètre remettra son rapport au tribunal et le juge pourra soit demander un complément d'information s'il ne s'estime pas assez informé, soit entériner partiellement ou totalement le bornage proposé.
- Le tribunal approuve généralement le rapport du géomètre et autorise la pose de bornes en prononçant l'homologation du procès-verbal. Le bornage s'impose aux parties.
Bon à savoir : le jugement de bornage, comme tout jugement, est susceptible d'appel dans un délai de 30 jours. Une fois passé ce délai, le jugement devient définitif et irrévocable.
Payez les frais de procédure
Selon l'article 646 du Code civil, le bornage se fait à frais communs. C'est le juge qui fixe la répartition des frais à parts égales ou différemment selon les caractéristiques des terrains en présence.